Prêcher l'Évangile aux immigrants clandestins
L'immigration clandestine lance un défi unique à l’Église des Etats-Unis.1 Faire face à la situation nécessite de la sagesse : il faut savoir s'adresser à des gens qui ont enfreint la loi. C'est un aspect important à prendre en compte avant d'en discuter. Des euphémismes tels que « des travailleurs sans statut » ne font que noyer le poisson. Il s'agit d'une question d'ordre moral. Mais une fois ce point admis, les chrétiens doivent se demander comment prêcher l'Évangile aux quelques douze millions (voire plus) qui sont déjà implantés dans le pays et qui veulent y rester. C'est aussi un problème moral. Le statut légal de ces travailleurs immigrés dans le pays devrait exciter la compassion de l'Église. En effet, une multitude de mères célibataires et de familles avec des enfants en bas âge vivent dans la plupart de nos villes, de nos cités et de nos quartiers. Dans un tel contexte, le peuple de Dieu doit établir une distinction entre le fait d'accueillir l'étranger en situation irrégulière dans l'Église et celui de donner carte blanche à l'étranger dans l'état. En agissant ainsi, l'Église évitera de souscrire à une politique d'amnistie aveugle sans pour autant faire preuve de mépris et d'irritation envers toute une partie de la population. Comment les chrétiens devraient-ils lire leur Bible à la lumière des tensions actuelles ?2
En fait, les Écritures parlent beaucoup des immigrés. Le thème du peuple de Dieu en quête d'une terre qui lui appartienne revient sans cesse dans les récits des patriarches de l'Ancien Testament. Le séjour des enfants d'Abraham en Égypte nous brosse l'histoire d'un peuple qui, au départ, était invité (comme nous l'explique l'histoire de Joseph à la fin de la Genèse), mais qui a fini par devenir un groupe méprisé d'esclaves indésirables et persécutés (comme nous le constatons au début du livre de l'Exode). Cette expérience de vie a profondément marqué les dispositions de la loi de Dieu concernant les étrangers. Israël a l'ordre de ne pas « maltraiter l'étranger », mais de le considérer « comme l'un des siens » (Exode 22.21 ; Ézéch. 47.22). Le Deutéronome résume ce point en ces termes : « Car l'Éternel, votre Dieu, est le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs, le Dieu grand, fort et terrible, qui ne fait point de favoritisme et qui ne reçoit point de présent, qui fait droit à l'orphelin et à la veuve, qui aime l'étranger et lui donne de la nourriture et des vêtements. Vous aimerez l'étranger, car vous avez été étrangers dans le pays d'Égypte » (Deut. 10.17-19).
Dans le Nouveau Testament, le sujet est au cœur de la vie et du ministère de Jésus. Avec Marie et Joseph, celui-ci est allé se réfugier en Égypte pour fuir Hérode (Matt. 2.13-15). C'est peut-être pour cela que Jésus place ceux qui reçoivent et traitent bien les étrangers parmi les justes dans le Royaume de Dieu : « Car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais étranger, et vous m'avez recueilli ; j'étais nu, et vous m'avez vêtu ; j'étais malade, et vous m'avez rendu visite ; j'étais en prison, et vous êtes venus vers moi » (Matt. 25.35-36). En disant cela, Jésus montrait à ses disciples qu'ils devaient se caractériser par un esprit tendre et secourable envers ceux qui étaient dans le besoin.
L'Église moderne peut-elle voir Jésus à travers les traits du pauvre immigrant ? D'un point de vue biblique, la réponse à la question est « oui ». Qu'est-ce que cela signifie, en pratique, pour les Églises locales ? Pour les chrétiens, c'est là la question cruciale. Le peuple de Dieu doit accueillir une riche diversité d'ethnies et de cultures dans l'Église pour prouver la portée universelle de l'Évangile (le livre des Actes, Eph. 2.17-20 ; Apoc. 7.9, 14.6). L'Église doit manifester une attitude bienveillante envers les immigrants clandestins et non de l'hostilité. Par exemple, Victor Orta, pasteur d'une assemblée hispanique à Tulsa, dans l'Oklahoma, admet la gravité de l'infraction de la loi de la part des immigrants illégaux et la menace pour la sécurité qu'une politique frontalière laxiste fait peser sur la nation. Mais il recommande que les Églises fassent quelques démarches de base, comme d'aider les immigrants à apprendre l'anglais. Selon Orta, c'est un moyen pratique d'aider « le moindre d'entre eux ».3
Le débat national sur la façon de traiter ce problème fera rage dans un futur proche. Un scénario souhaitable serait qu'au cours d'un processus rigoureux et peut-être long, les immigrants clandestins actuels admettent leurs torts, tout en postulant pour obtenir la citoyenneté américaine et en restituant leur dette à la société. Toutefois, entre temps, quel serait l'impact social potentiel de millions d'entre eux si leur vie était transformée par l'amour de Jésus et la bonté du peuple de Dieu ? Pour le moment, c'est l'une des questions les plus pressantes à laquelle il serait bon que l'Église d'Amérique réfléchisse.
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Voir aussi l'article du Journal Kairos : « Illégal, et pas seulement sans papiers ».
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Vous trouverez un exemple d'une Église en lutte avec les implications du ministère de l'Évangile à l'égard des immigrants en situation irrégulière dans : Abe Levy, "Test of Faith for a Church," San Antonio Express-News, 28 mai 2006, 1A. |
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Bill Sherman, "Churches Face Choice in Immigration Crisis," The Tulsa World, 27 mai 2006, A12. |